Le début du printemps et les prémices des beaux jours font ressortir des envies de fête. En somme, c’est le moment parfait pour se retrouver à discuter d’Encore, le dernier album de Zed Yun Pavarotti. Le rendez-vous est pris par une fin d’après-midi dans un bar bruxellois : ambiance détendue et sans calcul sont les maîtres-mots de cette discussion. L’occasion parfaite pour nous d’apprendre à découvrir un peu plus qui se cache derrière ces chansons aux accents romantiques.
Une transition limpide
Cela faisait un peu plus de deux ans qu’il n’avait rien sorti. La faute à des soucis professionnels qui l’empêchaient de libérer sa musique. Alors, avec la sortie d’Encore, l’état d’esprit est plus à la libération. Avant ça, la route prise par Zed Yun Pavarotti a été faite de plusieurs étapes pour autant de propositions musicales. Il est connu dans un premier temps pour être l’un des espoirs du rap avec French Cash. Son style qualifié « d’alternatif » lui permet dans un second temps de s’épanouir dans un univers plus pop avec Beauseigne.
Si ce dernier gardait tout de même un certain héritage rap – comme en témoigne le titre « Mon Dieu » – il ne manque pas d’y mettre en exergue son goût pour la chanson et les compositions organiques. Ces dernières sont complètement assumées et défendues sur ce dernier opus. Une transition qu’il nous explique ainsi : « Entre Beauseigne et French Cash, c’était assez fluide. Là, c’est la première fois qu’il n’y a plus du tout de rap. Beaucoup de gens aiment cet effet de surprise que je propose mais sur le long terme je ne sais pas encore ce que ça peut m’apporter. C’est un nouveau défi que je me lance. » Terre à terre, il se doute que, du côté du public, certains peuvent avoir lâché l’affaire, là où d’autres vont monter dans le train : « Le pari était réussi avec Beauseigne. C’était vraiment un passage transitoire pour amener les gens vers Encore.«
Savoir réinventer son écriture
Ce qui explique ce changement progressif de style, c’est l’envie d’en apprendre plus sur la théorie musicale : « Ce sont deux mondes différents : le rap est une musique performative basée sur l’écriture. Là, il y a un autre champ que je ne connaissais pas qui s’est ouvert à moi. » L’écriture reste pourtant une pièce maîtresse de l’artiste. Imagée, pouvant se rapprocher de la poésie par moment, il lui fallait trouver la bonne manière de l’accompagner en musique. À ce sujet, il nous explique : « Sur le terrain de l’écriture c’est différent. Le rap permet d’avoir une pensée très élastique. On peut faire passer une information en cinq phrases. Là, ce n’est plus possible ! Étant donné que c’est que de la mélodie, tu changes le rapport à la sonorité du mot. Ça a été une rééducation et je ne pense pas encore être au top de ma forme à ce niveau-là. »
Toute en humilité, il nous confie que ses influences ne viennent pas spécialement de la littérature mais plus de la musique : « J’ai beaucoup lu étant ado, mais j’ai arrêté. Je me plongeais trop dedans, ça en devenait anxiogène. Pete Doherty m’a toujours touché : comment il pose les mots, je pense que c’est à peu près le Graal. » En seulement trois projets, Zed Yun Pavarotti a su nous présenter une évolution significative sans jamais se travestir, faisant continuellement évoluer ses compositions et son écriture pour parvenir à ce qui lui ressemble le plus.
Une pochette riche de sens
Parler de Pete Doherty nous offre sur un plateau d’argent une transition idéale pour évoquer la pochette d’Encore, réalisée par la photographe Zoé Joubert. Faisant référence à un cliché montrant le chanteur du groupe The Libertines performant une chanson à sa femme Kate Moss.
Cependant, un détail vient faire toute la différence. Le Yun prend la place non pas du chanteur anglais mais bien celle de son épouse. Derrière cette idée se cache un cheminement intéressant qu’il nous dévoile: « L’idée d’avoir une photo brute style paparazzi est là depuis longtemps. En cherchant des références avec Zoé Joubert, on est tombés sur la même idée. Sauf que pour moi, la vraie star sur la photo, c’est Kate Moss. J’ai donc voulu me mettre à sa place. Ça donne aussi un côté un peu travesti et féminin qui me parle.«
Une pochette a aussi pour but d’être une porte d’entrée aux thématiques et à l’ambiance d’un projet. Ici, l’envie de parler de fêtes et d’amour dans leurs formes les plus diverses voire extrêmes se représente bien par cette adaptation du sulfureux cliché du couple britannique. À ce sujet, il confirme : « L’amour est la seule chose qui m’inspire. J’ai fait un album amoureux mais dans un sens large : j’y parle aussi bien d’amitiés que des relations amoureuses.«
« Pour moi, la vraie star sur la photo, c’est Kate Moss. J’ai donc voulu me mettre à sa place »
Zed yun pavarotti À propos de la cover d’encore
Le soleil qui chasse la grisaille
Si Beauseigne puisait déjà dans cette thématique avec une certaine noirceur et solitude, le ton donné est tout autre sur Encore : « J’avais envie de sortir de cet état de dépression physique, d’arrêter de tirer les choses vers le bas. J’en avais marre ! Je préfère relever les gens plutôt que de les asseoir. Maintenant je sens que j’ai un devoir envers les gens et je pense qu’un peu de positivisme ça fait pas de mal. » Cette rupture n’est pas anodine. Avec ses tatouages sur le visage et son style de musique alternatif, les médias ont vite voulu lui donner une image à laquelle il ne prétendait pas. Avec du recul, il considère aujourd’hui qu’il y avait « un décalage fondamental » entre ce qu’il était et ce qui sortait de lui médiatiquement : « J’étais dégouté ! Je ne voulais pas être ce chanteur dépressif, ce n’est pas du tout mon projet. »
Alors ici, nous ne rêvons pas d’une potentielle relation comme sur « Ta Bouche » (extrait de Beauseigne, ndlr), mais nous la vivons avec intensité et passion grâce à « Girlfriend ».
« Mais ça va tant qu’j’ai ma girlfriend, j’peux même sourire à la mort »
zed yun pavarotti – girlfriend
L’amour reste ainsi un point central de sa musique. Un thème large qu’il prend et raconte dans toute sa complexité. En voulant connaître l’origine de cet attrait pour cette thématique, il nous livre : « Je suis Chrétien, tout passe par ça. Soit on accepte la solitude soit on accepte l’amour. » Alors, s’il a décidé d’accepter l’amour plutôt que la solitude, c’est surtout par prétexte, pour se libérer. Cette libération passe par la fête. Si ce n’est peut-être pas ce qui saute le plus aux yeux lors des premières écoutes, c’est dans cette optique qu’il a réfléchi ce dernier projet : « La fête, c’est cette tentation amoureuse vis-à-vis de tout. L’amour comme la fête, c’est toujours une surprise qu’il faut être prêt à accueillir. »
L’amour, même dans la réussite
Pour définitivement chasser le peu de nuages qui semblent encore planer au-dessus de sa tête, Zed Yun Pavarotti semble avoir un certain besoin de réussite. Mais à l’écoute du projet, nous comprenons vite qu’elle ne passera pas par des conditions matérialistes. Pourtant, il confie quand même avoir été longtemps obnubilé par l’argent et la réussite matérielle : « C’est ce que je n’ai jamais eu de ma vie. Maintenant ça a changé, je me suis aussi rendu compte que c’était bien si ça pouvait être partagé. » Alors, on s’est permis de lui demander comment il personnifie la réussite, à quel moment son ciel sera entièrement dégagé. Après un bon moment de réflexion, il conclut par ces mots : « Je suis profondément romantique et je pense que ça passera par aimer quelqu’un… ». L’amour, encore et toujours.
Pour poursuivre sur l’amour, découvrez la quête du bonheur émotionnel de Disiz sur son dernier album L’Amour.