Beatmaker discret à l’univers artistique pourtant rempli d’influences multiples, NXXXXXS (prononcez N-Five X-S) fait partie de cette nouvelle génération d’artistes à suivre de (très) près. Entre références aux films d’horreur et inspirations de jeux vidéos, il nous embarque dans un autre monde. À l’occasion de la sortie de son album Blood Rage, le beatmaker a accepté de répondre à nos questions. Portrait d’un artiste symbolisant la richesse culturelle.
Voix posée et assurée, NXXXXXS (de son vrai prénom Nicolas) donne l’impression. Né à Paris en 1994 d’un père photographe et d’une mère chercheuse, le jeune homme explique s’être intéressé assez tôt au beatmaking : « Je pense que c’était quand j’étais au lycée. J’écoutais beaucoup de producteurs, de beatmakers des années 90 […] Genre vraiment boom bap […] 9th Wonder et J Dilla […] Et en même temps, c’est quand Odd Future avec Tyler, The Creator a commencé à devenir connu. […]. »
Une inspiration qui lui donnera l’envie de faire lui-même des prods, et qui perdure : « Là, je réécoute des trucs de 9th Wonder parce que j’essaie de retrouver le son qui m’avait vraiment marqué. Et en fait, en écoutant, je me rends compte que c’est vraiment ça qui m’a donné envie de faire des prods à l’époque, […] Je trouve ça super cool.«
« Être beatmaker ou être artiste à part entière est complètement différent »
Quand on pense aux beatmakers, on pense en général aux type beats et à des artistes qui proposent des sons, des instrumentales pour qu’ils puissent poser dessus. NXXXXXS propose de son côté une définition différente du beatmaking : « Être beatmaker ou être artiste à part entière est complètement différent : aucune de ces deux catégories n’est mieux que l’autre, elles sont juste différentes. Le problème si tu es juste beatmaker, c’est qu’il va t’être très difficile de transmettre toutes les émotions et les idées que tu as envie de transmettre parce que tu vas faire quelque chose qui sera repris par quelqu’un.«
Quand il ne fait pas de la musique, le jeune producteur va souvent au cinéma. Les films qu’il voit à l’écran le marquent parfois au point de les ressentir dans sa musique. Ce n’est donc pas un hasard si son dernier album s’intitule Blood Rage, nom issu d’un obscur slasher sorti en 1987 dans les salles : « J’ai choisi ce titre et ce sujet pour mon album parce que ce sont des films que je kiffe. Tous les Jason, tous les Freddy, tous les Halloween […] Les films d’horreur un peu avec un serial killer des années 80/90, c’est un truc qui m’inspire pas mal. J’aime beaucoup la musique de ces films en général« , explique-t-il dans un vocal. Blood Rage, c’est son interprétation, son suivi du film à travers un prisme musical : tous les sons de l’album permettent en quelque sorte de suivre une histoire. Les moments de calme contrastent de manière violente avec les sons plus agressifs et complexes. « En fait, c’est comme le scénario d’un film […] C’est comme si l’on regardait la waveform d’un film !« , s’exclame-t-il.
Un ordi, Logic Pro, des enceintes et un clavier maître
Pour produire des morceaux, pas besoin de beaucoup de matériel. « Je suis sur Logic Pro, avec mon ordi et mes enceintes. Et j’ai un clavier maître. », explique Nicolas. Un set-up qu’il partage volontiers dans ses stories Instagram, et qui se démarque de par sa simplicité. « J’ai vraiment pas besoin de plus, et d’ailleurs je ne pense pas que quelqu’un ait besoin de plus aujourd’hui« , confie-t-il.
Et il n’a pas vraiment tort, lorsqu’on sait que le producteur Imanbek, celui à l’origine du remix mondialement connu de « Roses » (interprété par le rappeur Saint Jhn) l’a composé seulement aidé d’un ordinateur hors d’âge et d’une copie du logiciel FL Studio. Une performance à plus de 88 millions de streams pour un producteur de 19 ans originaire du Kazakhstan… et inconnu au bataillon : « Je pense que c’est ce que 90% des producteurs font. », confirme NXXXXXS. « C’est largement suffisant, et puis t’as des gens qui sont capables de faire ça même sans enceintes. Des gens sont capables de faire ça sur un PC à 3OO euros. Sur FL Studio ils font des chefs d’oeuvre« .
Des sons pour soi, mais aussi à plusieurs
Lorsqu’on lui demande pour qui ou pour quoi il fait des sons, la réponse de NXXXXXS est claire : ses morceaux, il les produit principalement pour lui-même. « Je suis obligé de le faire -et ce n’est pas que la musique-, c’est-à-dire que je suis obligé de faire […] aussi tout l’univers qu’il y a autour, les covers, les vidéos, faire le label sur lequel je travaille« , explique-t-il entre deux respirations. Une production qu’il assume en solo, mais aussi avec d’autres beatmakers, voire des chanteurs.euses et des rappeurs.euses. « J’aime beaucoup travailler avec Soudiere et Arthrn, les deux sont eux aussi producteurs« , confie-t-il.
« J’aime bien travailler aussi avec BITSU. Mais on n’a pas encore fait de son qui ait atteint son potentiel et mon potentiel en même temps. Je sais que cela va arriver plus tard, donc je ne m’inquiète pas […]”. Malgré cela, ses collaborations avec des interprètes se font plus rares. NXXXXXS a déjà bien développé son univers et exposé ses influences, mais il le dit lui-même. Pour la suite, il est prêt à partager son expérience avec des interprètes : « Mon prochain projet, ce ne sera pas un projet de moi, personnellement, en tant qu’artiste ; mais un projet où en tant que beatmaker j’invite des rappeurs, chanteurs et chanteuses”. Une opportunité pour le Parisien de travailler à plusieurs sur un même projet, et qui sait, d’atteindre son potentiel en développant une véritable alchimie avec d’autres artistes.
BONUS : Pourquoi “NXXXXXS” ?
Vous l’aurez (peut-être) compris à la lecture de cet article, NXXXXXS correspond au prénom Nicolas, “avec des X au milieu”, m’explique l’intéressé. Pourquoi ce nom ? Il remonte à l’époque où le beatmaker de 26 ans mettait en ligne des type beats sur YouTube : « Je voulais que les gens se rappellent facilement de mon nom, et donc qu’il soit visuel. Et les X à la suite, c’est très visuel : si tu les vois tu t’en rappelles tout de suite« . Une technique marketing rodée pour l’artiste, un cauchemar pour les bègues et les dysorthographiques.
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