France, Algérie, États-Unis… Tels sont les points d’attache de Lolo Zouaï, dont la carrière ne se limite désormais plus au seul RnB avec son nouvel album PLAYGIRL. Des origines, mais surtout des influences culturelles qui se traduisent aussi bien en paroles qu’en mélodies. Et qui ont contribué à façonner l’univers artistique de la chanteuse de 27 ans, au gré des années. Portrait.
Si Los Angeles a un accent, il doit sûrement transparaître dans la voix de Lolo Zouaï lorsqu’elle nous salue derrière son écran. « Bonjour, ça va ? » 19h en France, 10h sur la West Coast. Malgré l’horaire matinal, la chanteuse enchaîne sa deuxième interview, café à la main et sweat à capuche sur les épaules. Et c’est presque naturellement que cet échange prend forme dans la langue de Molière maniée par l’artiste franco-algéro-étasunienne. Derrière ce qualificatif complexe, se cache une bonne partie de l’identité artistique et personnelle de Lolo Zouaï. « Je suis née en France, d’une mère française et d’un père algérien », décortique-t-elle.
Pourtant, ce n’est pas l’Hexagone qui verra grandir la chanteuse, mais bien les États-Unis. « Mon papa s’est inscrit à la loterie du visa en ligne [Green card lottery, NDLR] et on a gagné », sourit-elle. Direction San Francisco pour Lolo, alors âgée de trois mois, pour rejoindre son oncle avec ses parents qui se plaisent à « Frisco », et décideront d’y rester. Aujourd’hui, les États-Unis dépassent pour la chanteuse le simple pays d’adoption. Cet endroit qui l’a vue grandir, elle y vit toujours, à Los Angeles cependant. « C’est là que je me sens attachée culturellement », confie-t-elle pensivement.
France, Algérie, États-Unis
C’est de ce triple mélange culturel que naît son identité artistique. D’abord avec sa mère, qui écoute de la musique française « parce que cela lui manquait aux États-Unis ». Mais aussi auprès de son père, qui passe des morceaux aux sonorités raï algériennes et khaled. Pour autant, ses parents « n’étaient pas vraiment branchés musique », et ne jouaient pas d’un instrument. « Je sais que beaucoup d’artistes ont vu leurs père et mère les initier à la musique parce qu’ils en faisaient », observe l’interprète. « Mais pas moi ; mon papa bossait dans une pizzeria. C’était juste moi, qui ai commencé à chanter. »
C’est la dernière note de ce mélange qui va pousser Lolo à suivre cette voie : la radio. « C’est là que j’ai vraiment commencé à écouter du R&B, du hip-hop », se remémore la chanteuse. Deux styles de musique qui ont façonné ce qui deviendra plus tard un style unique en son genre. « Le RnB m’a donné envie de chanter », explique-t-elle entre deux gorgées de café. « C’est avec lui que j’ai appris à le faire, entre les CD et la radio. »
De l’anglais au français, selon les envies
Lolo Zouaï commence donc à chanter assez jeune, vers ses 7 ans, et réalise ses premiers morceaux en anglais. Et ce, bien que le franglais fasse partie de son quotidien : « Cela m’arrive quand je parle avec ma maman », sourit la chanteuse. Mais elle n’est pas satisfaite : « Quand j’ai commencé à faire de la musique, c’était avec des chansons [en anglais, NDLR] qui ne sont pas sorties, parce qu’elles étaient sans réelle personnalité. » Le déclencheur ? Un voyage en France en 2017, sorte de reconnexion avec ses origines qui la pousse à inclure le français, mais aussi des mélodies arabiques. « C’est aussi parce que ma voix sonnait naturellement d’une certaine manière, étant d’origine algérienne », précise-t-elle.
Le premier essai n’est pas anodin, puisqu’il s’agit de High Highs To Low Lows qui la fera connaître sur la scène R&B. « Je me suis dit que j’allais mettre des hauts et des bas… Et j’ai trouvé ça cool […] ça a bien marché ! », observe l’interprète, sans pour autant voir une nécessité à faire état de ces multiples influences dans toutes ses chansons. Les paroles peuvent être dans la langue de Shakespeare « parce que c’est ce que j’ai envie de faire ». Ou encore se mêler à celle de Molière, « qui apporte un plus à la chanson ». Et même se poser sur une mélodie arabique inspirée par la prod. Mais rien n’est calculé : « C’est vraiment fait avec ce qui vient, ce qui rend le titre feel good ».
Entre reconnaissance et conquête
Et ça marche. En 2017, High Highs To Low Lows révèle, sous la forme d’un single, Lolo Zouaï aux amateurs de pop acidulée ou de musiques américaines. Deux ans plus tard, l’album éponyme confirme ce succès. Certains titres entrent dans les playlists les plus en vue de Deezer et Spotify. Le projet se voit même gratifié d’un joli 7,5/10 par la critique du magazine Pitchfork. Entre temps, la chanteuse s’ouvre à plusieurs collaborations, co-écrivant par exemple le titre « Still Down« de H.E.R. et voyant sa musique utilisée dans des productions Netflix. « J’ai commencé à avoir beaucoup de couverture médiatique en France, comme les Inrocks« , retrace-t-elle.
L’année 2018 y est sûrement pour quelque chose, puisqu’elle l’introduit au public d’une scène rap francophone en pleine expansion. Derrière cette opportunité, une collaboration avec le producteur Myth Syzer sur « Austin Powers » a vu le jour. Le titre est présent sur la mixtape Bisous, qui compte des noms tels que Hamza, Loveni ou encore Muddy Monk. Le track fera figure d’opportunité mi-inattendue, mi-rêvée. « Je ne savais pas trop qui il était à ce moment. Quand je suis arrivé en France, il venait de sortir le morceau Le Code. Et il y avait beaucoup de posters de lui partout, j’étais en mode « mais qui est-il ? », s’esclaffe Lolo.
« La musique française m’accepte »
Aujourd’hui, la romance entre Lolo et la scène rap francophone ne s’arrête pas là. Installant sa musique et son esthétique singulière de part et d’autre de l’Atlantique, elle révèle être soutenue par plusieurs rappeurs. « La musique française m’accepte et d’autres personnes me donne des conseils » confirme-t-elle, faisant même d’Orelsan un ami très supportif. « C’est trop cool, il est venu aux Ardentes, à We Love Green […] Au début, je ne le connaissais même pas parce que je n’écoutais pas trop de musique française. Il nous a invité à voir sa scène, c’était le plus grand show que j’ai jamais vu » retrace Lolo Zouaï. « Orelsan était aussi au Badaboum [pour le concert de Lolo, NDLR], il me supporte toujours », assure-t-elle en glissant qu’elle « lui [a] fait écouté l’album », qu’il a « bien aimé. »
« Think bigger ! Think world ! »
Il faut cependant se rendre à l’évidence. Après des débuts aux États-Unis, puis une ouverture à la France, la carrière de Lolo Zouaï l’amène aujourd’hui à l’international. Début 2022, alors qu’elle termine PLAYGIRL, la chanteuse part ainsi en tournée nord-américaine avec Dua Lipa sur le Nostalgia Tour. Elle voyage aussi en Espagne, Italie, Belgique, Allemagne, Danemark… La liste des pays visités est longue. D’autant qu’en parallèle, Lolo multiplie les festivals. Ces expériences la portent au contact d’une multitude de nouveaux publics : « Quand je suis arrivée en Corée du Sud, une vingtaine de personnes m’attendaient à l’aéroport avec des pancartes de fans ! »
Lolo l’assure : aussi nombreuses qu’elles soient, les cultures musicales de ses fans « n’ont pas influencé son identité artistique. » Elles ont en revanche changé sa façon de penser. « Les États-Unis sont un marché musical dans lequel il est dur de percer. C’est immense et il y a beaucoup de monde », pensait l’artiste, qui a depuis réalisé qu’elle est écoutée, appréciée et suivie un peu partout dans le monde. La chanteuse entend désormais bien conquérir ce terrain. « Il ne faut pas juste essayer d’y arriver aux US. Partout ailleurs, des gens écoutent, kiffent ma musique et c’est cool », s’enthousiasme Lolo. Et de conclure, en guise de prélude à la prochaine étape : « Think bigger ! Think world ! »
PLAYGIRL, ou l’ouverture sur un univers affirmé
Avec son nouvel album PLAYGIRL, Lolo Zouaï s’éloigne de la direction artistique mise en avant sur son premier album, pour plonger dans une atmosphère bien plus digitale. Toujours maîtresse de son univers, elle a pu amorcer cette transition avec des singles percutants. À l’image de « Galipette », accompagné d’un clip tout aussi dynamique tourné dans les rues parisiennes signé Amber Grace Johnson.
Pleine d’idées, la chanteuse propose à nouveau une atmosphère affirmée tout en restant éclectique. Jouant de ses multiples facettes, elle propose tour à tour de se plonger dans des ambiances diverses. Par l’appellation « Dreamgirl », « Partygirl » et « pl4yg1rl », elle use de ses influences pour livrer un projet une nouvelle fois complet. Chaque auditeur peut ainsi se laisser emporter, que ce soit par les sonorités 2step de « Crazy Sexy Dream Girl » ou par des morceaux plus envoûtants à l’image de « Give Me a Kiss ».
Toujours pertinente dans les choix de ces thématiques, Lolo Zouaï se joue des codes, montrant à travers ces trois Playgirl comment chaque femme peut prendre le contrôle sur son identité, son travail, sa sexualité ou encore son image. Ce qu’elle fait aisément sur cet album, en jouant avec ses multiples facettes, aussi bien dans ses choix sonores qu’esthétiques. Avec ce disque, Lolo Zouaï impose encore plus sa patte. Ce qui se ressent également dans ses visuels, sur lesquels elle garde une part d’implication. Sans perdre les gens qui ont pu la découvrir sur High Highs To Low Lows, la jeune artiste ouvre une nouvelle porte d’un univers qui devient très vite viscéral.