Lettre à Julien

« Deo Favente », ou l’album d’un Julien devenu doré.

© Koria

Cher Julien,

Merci. Tu dois te demander qui je suis et pourquoi je te remercie. Je vais tout t’expliquer. Je suis un auditeur passionné parmi tant d’autres, scrutant avec attention les sorties du sacro-saint jeudi soir. Tu ne le sais pas, mais notre histoire remonte à un de ces fameux jeudi soir. Je t’ai connu avec ta coupe mulet, ta veste rouge et une histoire de mallette. La vraie rencontre a eu lieu le 13 novembre 2015, un vrai choc. Je ne le savais pas encore, mais je venais d’écouter le premier projet de la plus belle discographie des années 2010. Schneider, si je suis là, ce n’est pas pour narrer ton histoire, mais pour rendre hommage à un chef d’œuvre qu’on a voulu dénaturer.

Koria l’avait déjà bien compris en te couvrant d’or, « Deo favente » est un chef d’œuvre. Quel plaisir de voir que tu respectes le format album, que pour toi, faire de la musique a un sens. Tu joues avec les sonorités, avec les genres, avec les émotions. Sur « DF », celui qui a faim peut manger, de la trap à la variété, de « 6.45I » à « La nuit ». Tu devais être un artiste qui ne marche pas : trop rap, pas de hits, pas de zumba. Le travail paye et ton univers travaillé et léché autour d’une direction artistique unique t’a fait briller. Tu sais rapper, tu sais chanter, tu es un véritable artiste, qui plus est polyvalent. L’auto-tune est parfaitement maîtrisé. Tu jongles avec les sonorités passant de la guitare à des prods actuelles.

« Deo Favente » est l’album du virage, celui que tu prends et qui te change. Tu deviens celui que tu voulais être : un artiste enfin accompli pouvant quitter l’hexagone chemise blanche, Audemars au poignet et la réussite dans nos oreilles. On peut comparer cet album au premier gros chèque qu’on encaisse. Il permet de réaliser les rêves qu’on espérait, d’acheter les habits qu’on voulait, de faire la musique comme on l’entend.

Ton projet rend un vibrant hommage à ton ancienne vie SCH, tout en regardant l’avenir avec conviction. Comme un symbole, le morceau sur ton père, « La nuit » (un des meilleurs morceaux de ta carrière, voir le meilleur), vient juste avant celui de ton ex-mentor Lacrim. Un passage de relais, un échange de témoin, une dernière balle avant de prendre son envol seul. « Deo Favente » marque le début du nouveau SCH. Celui qui se libère enfin, et devient maître de son pouvoir, la fin des années de plomb, le début des années de luxe. 

Je ne sais pas la place qu’aura « Deo Favente » dans l’histoire du rap. Mais dans la mienne, il aura toujours une place importante. Tu pouvais mourir pour tes idées, tu as finalement triomphé avec ta musique. Ta musique ? Pas seulement, car « DF » est une œuvre complète.

L’imagerie de cet album est soignée, aboutie. Placez le mélioratif de votre choix, ça marchera. Des clips à la pochette, des publications sur les réseaux à tes interviews, tout est réussi, réfléchi. Tu as réussi à t’imposer comme le grand rappeur de la nouvelle décennie. Parler argent et chiffres n’est pas forcément le sujet de cette lettre. Mais quand je vois cet album couronné d’un platine, je peux me dire que la qualité paye. 

Et pour tout ça, merci Julien. Et continue de faire de SCH un rappeur marquant et inspirant.

Noé Grieneisen

Lala &ce mérite une carrière à la France Gall.