Gen : lâchez les chiens

Dans son dédale de rues, Paris abrite mille et une surprises. Parmi elles, la multitude de sous-sols aménagés en studio de musique voit, de jour comme de nuit, de jeunes artistes se développer. C’est dans cet écosystème que Gen fait évoluer son art au quotidien. Le résultat donne l’EP Dog Day, sa nouvelle carte de visite.

Gen
Gabriel & Jérémy Lauvige

La sortie de niche

Progressivement, Gen impose son univers singulier, c’est bien en meute qu’il évolue. Bien entouré par le label indépendant Les Bains Soif, il jouit d’un lieu où liberté va de pair avec création. En solitaire ou accompagné par d’autres noms du label, il pointe progressivement le bout de son nez à coup d’une musique riche en émotions mais surtout d’un rap calibré. Par conséquent, c’est l’ensemble minutieusement dosé de ces deux éléments qui définit le rappeur. Des caractéristiques que l’on peut retrouver également chez Hyacinte avec lequel il n’hésite pas à collaborer sur son premier projet Tango Fantôme. Une connexion qui dépasse la musique puisque les deux artistes s’apprécient, s’invitant mutuellement lors de leurs scènes.

La première pièce présente une musique faite avec le coeur : du rap, de la mélodie et un parti pris assumé pour des instrumentales jouant avec les codes de différents styles musicaux. Jusqu’à présent, cette entrée en matière était la seule pièce dévoilant toute la complexité du jeune artiste. Assez intéressante, elle donnait déjà l’envie de le voir se trouver et affiner cette recette singulière.

Une patte déjà affirmée

Ainsi, les éléments constitutifs de sa musique sont aussi diversifiés que complémentaires. Dans un premier temps, ce qui vient frapper c’est sa voix. Chargée en authenticité, elle est un vecteur d’émotions rempli de richesses. Une preuve qu’il en fait un atout non négligeable qui lui permet de modeler au gré des mélodies sans en oublier son amour premier pour un rap incisif. Même si son éducation musicale semble variée, il est indéniable que Gen est un héritier de ces rimeurs à la plume aiguisée. Venant contraster avec sa première sortie, il en fait un élément plus central de Dog Day, son nouvel EP paru fin juillet.

A l’heure actuelle, Détroit et son rap arrive progressivement en France. Essentiellement dopé par ces sonorités, Gen pose son rap imagé et percutant sur des mélodies froides pouvant être aussi brutes (« Zoot » produit par MedBanger & Lenoir) que planantes (« Solaris » produit par HDS). Pour se faire, il a également réuni Rosalie du 38 (« Dog Day ») et TaeminTekken (« A l’endroit », « En Septembre »), des éléments bien connus par cette nouvelle vague déferlant sur le rap francophone. Il vient coupler à cela une esthétique visuelle réfléchie, grandement inspirée par son quotidien. Il parvient à lui donner une aura cinématographique, apportant encore un peu plus de richesse à son art.

Gen, plus chien fou qu’animal domestique

Une fois cette carapace percée, il est encore plus intéressant de voir ce qu’il s’y cache derrière. Entre romance et authenticité, Gen se dévoile tout au long du projet sans perdre de vue ses engagements. S’il arrive à embellir ces derniers, il ne cache pas sa rage sur certains sujets. En filigrane du projet, il dépeint avec naturel l’écosystème dans lequel il vit. Il est souvent question d’obscurité mais il entrevoit toujours la lumière sans omettre sa volonté de répandre paix et bienveillance autour de lui.

« Si on peut le faire ensemble c’est mieux

Pour faire du vert, il faut ton bleu »

Gen – No Rnb

Le coeur pur et le cerveau embrumé, il n’hésite pas à se confier sur ses failles. Celles d’un jeune homme qui ne se sent pas toujours à sa place dans un système régi par l’argent et des autorités en déconnexion avec le peuple. A l’opposé du leader d’opinion, il enrobe ses revendications d’un phrasé imagé qui fait mouche. Par cet intermédiaire, il installe des images dans l’imaginaire de ceux qui l’écouteront, conférant une aura visuelle à sa musique.

« On grandit tous en même temps qu’les tarifs

En parallèle, comme l’économie qui nous a maudit »

Gen – Solaris

Tout en gardant sa faculté à livrer des émotions, il rajoute à cela un égo-trip bien dosé, comme le démontrent « Dog Day » ou encore « Zoot ». Ainsi, cette dualité représente bien l’ambivalence du rappeur qui arrive davantage à condenser ces deux facettes en un tout cohérent.

« Et les barrières je les massacre en m’asseyant

Viens dans mon monde poto si tu veux être un géant »

Gen – Zoot

Avec cette seconde carte de visite, il fait l’étalage d’un rap imagé, charismatique et d’authentique frôlant le lyrisme moderne. Dans la mesure où il parvient à condenser ses forces et à les faire évoluer au fil des années à venir, il n’y a pas à douter que son univers prendra un tournant plus qu’intéressant sans tarder.

Pierre Simon

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