En 2020, réapprenons à apprécier la musique

Qui n’a jamais dit « X, c’était mieux avant » ? Qui, en 2020, peut se targuer d’absolument tout écouter ? Qui est mieux placé que vous-même pour savoir ce que vous aimez ? Nous vivons dans une drôle d’époque où nous passons plus de temps à descendre des artistes plutôt qu’à chérir ce que nous aimons finalement tous : la musique.

Ma première et dernière fois avec Kaaris

« Or Noir Part 3 » a été un échec, par son appellation, ses ventes et son contenu. Mais l’album n’est pas aussi mauvais qu’on le prétend. Pourtant, lorsqu’on vous a interrogé pour savoir quel était, selon vous, le pire album de la décennie, c’est ce même « Or noir 3 » qui est le plus ressorti des commentaires. Inversement, « Or Noir » premier du nom (et sa version deluxe) est considéré comme un des meilleurs albums de l’histoire du rap. L’exemple kaarisien n’est pas le seul en son genre. Il amène à une multitude d’interrogations. Avons-nous tendance à accorder plus d’attachement au premier projet d’un artiste, quitte à être déçu par la suite de sa discographie ? Sommes-nous contraints à rester des puristes, disant à qui veut l’entendre que « Zombielife » est le meilleur projet d’Hamza et qu’on écoute PNL depuis 2014 ? Ou pouvons-nous évoluer en même temps que l’artiste évolue avec sa musique ?

Le premier album est « toujours » le meilleur

On a tous un sentiment spécial envers le premier album de rap qu’on a écouté, un amour indivisible, inexpliqué et surtout intemporel. Depuis le lancement de cette première piste, tout a changé. Des heures de musiques ont été digérées, analysées, et appréciées. Des albums ont sûrement été plus aboutis et mieux écrits. Mais, curieusement, lorsqu’on va vous demander votre album préféré, 2 choix vont se faire naturellement : le premier album écouté ou le premier album de votre artiste préféré. Avant de rentrer dans une explication plus détaillée, lorsqu’on parle de premier projet, on évoque le premier découvert par l’auditeur. Par exemple, pour Damso, « Salle d’attente » est sorti avant « Batterie Faible ». Pourtant, pour beaucoup, nous avons découvert le bruxellois avec « BF ».

Une première fois, ça se fait à 2

Pour que la magie de la première fois opère, c’est très souvent le projet initial de l’artiste qui fait figure de partenaire. Il correspond souvent au travail d’une vie, sans prendre en compte les stratégies commerciales et tout le business pouvant polluer le projet final. Une certaine authenticité s’y dégage, comme si l’artiste nous parlait directement sans les filtres du succès. La musique nous bouscule, ne nous laisse pas tranquille, elle nous éveille et nous éclaire. C’est pourquoi nous en avons profondément besoin. Dans le monde du streaming et de l’écoute « fast-food », notre projet préféré est indispensable, il est et restera notre préféré malgré les dires des demi-experts et faux-sachants. Comme un premier amour, nous ne verrons les défauts de ce projet qui rayonne dans nos cœurs et nos écouteurs. Toute notre vie, ce projet – celui que vous avez en tête actuellement – nous accompagnera. Malheureusement, l’amour est rarement éternel et votre compagne n’est sûrement pas SCH. La suite sera douloureuse, voire décevante. Sommes-nous alors aveuglés par la magie du début, nous empêchant d’apprécier à juste titre le reste du chemin artistique de notre interprète favori ?

© BACKPACKERZ

À quoi bon chercher, la réponse est devant nos yeux

Et si finalement, tout cela importait peu. La musique est un art et non un modèle économique. Être humain signifie être imparfait. Vous préférez « Feu » à « Cyborg » ? Vous ne comprenez pas comment votre petit cousin peut dire « Gambi est le meilleur rappeur français » ? Et c’est bien normal. En 2020, il est temps de mettre de l’eau dans son vin et d’apprécier le rap à sa juste valeur. L’objectivité n’existe pas, cessez de vouloir imposer vos idées comme celles qui sont de bons goûts, vous aurez tout faux. Chaque année, des centaines voire des milliers de projets voient le jour. Vous ne pouvez pas tout aimer, tout apprécier mais, comme disait ce bon vieux Camus, « Au milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi un invincible été. » Réapprenez à écouter et à apprécier la musique.

Albert Camus

Le meilleur est devant nous, le meilleur est avec nous

Personnellement, mon projet préféré est « A7 » de SCH. J’ai longtemps été, non pas déçu, mais frustré du reste de sa discographie, n’arrivant plus à savourer son art avec la même euphorie. Puis j’ai découvert d’autres projets, d’autres genres, je me suis ouvert à la musique. Nous sommes dans une ère où le streaming offre un catalogue absolument infini. Prenons du temps pour savourer nos projets préférés. Cessons de critiquer ce qui ne nous touche pas ou ne touche plus. Le rap nous réserve encore des surprises pour le meilleur et pour le pire. Tentons de ne retenir que le meilleur, « notre meilleur ».

Noé Grieneisen

Lala &ce mérite une carrière à la France Gall.