Caballero & JeanJass, rappeurs ou amuseurs ?

Cela fait respectivement 9 et 11 ans que les deux compères wallons se sont lancés corps et âmes dans la musique. Toujours à la recherche de nouveautés et de décalage, Caballero & JeanJass enchaînent les références dans leurs sons et ont réussi à trouver leur public. Un succès grandement catalysé par leur capital sympathie qu’on a pu découvrir dans leur émission High et Fines Herbes. La drogue, ils aiment ça et en parlent beaucoup. Mais ne sont-ils pas en train de devenir une parodie d’eux-même ?

Talent2

L’union fait la force et le duo est efficace, non pas par leur complémentarité, mais par leur ressemblance, même si Caballero représente la fouge et JJ fait office de pilier (ce dernier à d’ailleurs annoncé travailler sur un album solo). Leurs flows sont similaires, leurs références se croisent et le duo semble ne faire qu’un depuis le début. Ils pratiquent un ego-trip dont eux seuls ont le secret, à l’image de leur premier album commun : Double Helice, qui est selon moi leur meilleur projet : plus brut, plus authentique. Ils ne se cantonnent pas à un style et ont réussi à piocher dans plusieurs cases pour créer leur recette, et ça fonctionne. On sent alors l’inspiration de la fin des années 90 dans les références voire dans les sonorités.

Techniquement, le duo est calé et a les compétences de pondre du rap de grande qualité. On ne peut pas les blâmer pour ça, mais leur plus gros point fort est leur sympathie et leur second degré. On peut alors faire le parallèle avec un autre duo : les Casseurs Flowters. Ces derniers avaient réussi à s’imposer dans le paysage musical avec un style accessible à tous, mais pas moins bien pensé pour autant.

Les McFly et Carlito de la drogue ?

C’est ce dernier point qui leur a permis de se diversifier et d’être notamment contacté par le média belge Check pour présenter l’émission Check Food. Mais si vous connaissez Caballero & JeanJass, vous connaissez forcément leur émission High & Fines Herbes. Le concept est simple : de la drogue douce, des invités, du cannabis, de la cuisine avec de la beuh et un peu de THC. Et ça, ça plait, parce que c’est nouveau en francophonie. Ils n’ont jamais caché leur goût prononcé pour la marijuana, qui est un sujet plus que récurrent dans leurs textes.

La dernière saison de cette émission est passée à un niveau supérieur puisqu’elle s’est transformée en vraie télé-réalité. C’est indéniable, Caba et JJ ont un talent de divertisseurs. Mais n’en font-ils pas trop ? Ne s’enferment-ils pas dans des personnages ?

Le problème est qu’une partie de leur communauté les a connus par le biais de leurs réalisations vidéos et non pas musicales. Ils ne peuvent pas s’en dissocier et ils ne le souhaitent d’ailleurs pas. Alors oui, c’est innovant et c’est un moyen d’aborder un sujet encore tabou en France. Mais cette diversification est pour moi un frein à leur univers musical.

Leur dernière mixtape sortie pour l’occasion de la dernière saison d’H&FH nous offre 25 sons avec pléthore d’artistes plus underground comme Luv Resval, Madd ou Di-Meh. Mais à mes yeux, ce n’est pas moins que du feat & fun. Peu de morceaux méritent le détour, le délire est forcé et le résultat ne suit pas forcément. Reste à savoir s’ils ont maîtrisé ce changement de style ou s’ils l’ont subit. Pour ça, il faudra attendre la sortie de leur prochain projet en duo. On peut donc légitimement se demander si la musique passe au second plan pour les deux compères ?

La saison de 3 de leur drogue-show approche petit à petit du million de vues

Alter ego et ego trip

Pour être connu et reconnu, il est bien plus simple de se créer un personnage. Dans le rap, l’image est indissociable de la musique. Si bien que parfois, on ne sait plus vraiment où se situe la frontière entre réalité et personnage. Une chose est sûre, c’est toujours un parti pris qui fait réagir.

Dans le rap francophone, on peut prendre l’exemple d’Alkpote, qu’on retrouve d’ailleurs dans le show des deux belges. Chacune de ses phrases est une élucubration ponctuée par « pute ». Dans l’émission Thérapie de Vice, où des artistes sont confrontés à un psychanalyste, l’empereur nous a offert une prestation lassante voire ridicule. Là ou il avait l’occasion de se dévoiler, il a préféré s’enfoncer dans son personnage. Nous aurions adoré le voir s’exprimer sur ces choix artistiques et sur son parcours. On pourrait aussi aborder le sujet de Lorenzo, dont le personnage représente ce que beaucoup qualifie de « iencli » mais on divague déjà bien assez.

© Fifou

Alors oui, l’image hors-musique prend de plus en plus de place dans la stratégie des rappeurs. Caballero & Jean-Jass n’auraient peut-être pas connu autant de succès sans leur émission. La communication autour d’un projet est désormais indissociable du succès, dans une époque où les chiffres réalisés intéressent souvent plus que la qualité intrinsèque du rendu. Faut-il se travestir pour percer ? Je ne pense pas. C’est un juste milieu, il faut savoir écouter son public pour lui plaire. Il ne faut juste pas laisser la majorité vous façonner, pour ne pas devenir une parodie de soi-même.

Pour aller plus loin, découvrez notre article sur SoundCloud, ou écouter la musique autrement.

Valentin Basset

Je passe le salam à ceux qui donne la cefor pour pas lâcher