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BabySolo33, confessions d’une SadPrincess

Grandir est inévitable. Aussi excitant que terrifiant, devenir adulte est une aventure qui bouleverse notre quotidien. Presque quatre ans après son dernier projet Solo19, BabySolo33 revient avec SadBaby Confessions. Cet EP de 10 titres nous plonge dans la nostalgie de l’enfance de la jeune artiste. Plus mélancolique mais toujours aussi cloud, elle a partagé avec nous ses premières leçons2adulte.  

cover sadbaby confessions babysolo
Crédits : Lilian Hardouineau et Pela

A Paris, l’hiver est presque là. Malgré le froid, difficile de résister à la terrasse du restaurant dans lequel BabySolo33 nous donne rendez-vous. L’air amusé, elle commence à nous expliquer que, pour une sombre histoire de fuite d’eau, sa meilleure amie Margot et elle sont surclassées par leur hôtel. Désormais, elles ont une vraie suite de princesse, « avec la terrasse ».

Il faut dire que, pour la jeune artiste bordelaise, la chambre est un endroit important. Enfant, elle y passait déjà des heures. Souvent punie, elle abandonnait ses devoirs et mettait « en scred » les CD’s qu’elle avait trouvés dans sa maison. « Ma mère écoutait Sade, Michel Berger, Véronique Sanson, Etienne Daho et mon père écoutait davantage des tubes italiens, France Gall et Bobby Solo. [référence principale à son nom de scène allié au numéro de département où se trouve Bordeaux, sa ville natale, ndlr]. Ma grande-soeur écoutait quant à elle du punk rock, David Bowie, Kyo. » Un mix musical haut en couleurs, dont les sonorités pop sont loin d’être étrangères avec la musique que propose désormais l’artiste.

Aujourd’hui encore, la chambre reste pour BabySolo33 une bulle de solitude essentielle dans sa manière d’élaborer sa musique. C’est d’ailleurs ici qu’elle a commencé à enregistrer une partie des titres de son dernier projet. Pour « MiniSkirtJean », elle raconte s’être enregistrée avec un « mauvais micro et la fenêtre ouverte ». « Souvent, je me dis que c’est une maquette » sourit-elle. Un processus de création intime et spontané, mais qui apporte son lot de frustrations : « J’avais le timbre de voix qu’il fallait, la voix éraillée. Ça collait bien avec l’ambiance globale du son que j’avais envie de tester. Je suis allée au studio à Paris avec Sún Jún lors de l’enregistrement du projet. Il a fallu rec à nouveau mais ça ne passait plus. Ma voix n’était plus aiguë et éraillée comme elle l’était. J’ai dû l’enregistrer en plusieurs sessions. Je venais le matin à jeun, j’essayais de ne pas parler avant pour essayer d’avoir la voix la plus brute possible, alors que dans ma chambre ça s’était fait si naturellement. »

Grandir, c’est le dilemme

SadBaby Confessions est pourtant loin d’être un projet amateur. Quatre ans après avoir publié ses premiers titres sur Soundcloud, BabySolo33 semble avoir trouvé son identité artistique. Pour son nouvel EP, plus audacieux sur les visuels et mature dans les textes, elle nous partage ses réflexions les plus profondes sur les tiraillements qui l’animent : « Depuis que j’ai commencé la musique, je suis tiraillée par le fait que je n’ai pas envie de grandir. Plus ma carrière va avancer, plus on va voir ça comme thème, parce que c’est difficile pour moi de trouver ma place en tant que femme. Je ne veux pas que la vie m’oblige à perdre mes rêves d’enfant. Il y a cette dualité présente et j’ai voulu en parler. » 

Enfant ou adulte. Princesse ou ange déchu. Amour ou amitié. Nous le comprendrons au cours de nos échanges, BabySolo33 a décidé d’incarner toutes ces facettes à la fois. « C’est peut-être pour cela que ça peut être difficile de me cerner », ironise-t-elle. Ses dilemmes, la jeune femme en a bien conscience. Elle n’hésite d’ailleurs pas à les exposer dans son art, à la manière de la cover ou du clip de « Balayette » réalisé par Simon Stewart, où les couleurs marquées et le flow céleste se mêlent à des paroles crues, abordant le sujet des violences conjugales.

Du teen à l’horror movie

Néanmoins, c’est peut-être l’apparition d’un mystérieux trailer annonçant la sortie de SadBaby Confessions qui interpelle quant au tournant artistique emprunté par BabySolo33 et ses équipes. Malgré plusieurs collaborations remarquées (Roseboy666, Bricksy et 3G, Lala &ce et Low Jack), l’artiste était pourtant restée discrète quant à son retour en solo. Le 31 octobre 2022, jour d’Halloween, c’est devenu officiel : BabySolo33 n’est plus dans un teen, mais dans un horror movie.  

Ce disque, qu’elle décrit comme « plus sombre », rend hommage aux horror movies de son enfance : « J’adore les nuits américaines, le cinéma d’horreur des années 90 un peu mal fait. » Lorsque nous lui demandons ses inspirations pour le projet, ses premières réponses ne sont pas les traditionnels teen-movies kitsch américains auxquels nous aurions pu nous attendre. D’emblée, la jeune femme évoque un cinéma plus dur et adulte, comme celui de Gus Van Sant avec Paranoid Park ou Elephant.

Après plusieurs minutes de discussions, nous comprenons que, si BabySolo33 maîtrise parfaitement l’image de la starlette des années 2000 qui a fait son succès, une part d’elle reste loin de cette excentricité. Ce côté d’elle, moins assuré devant le miroir, l’artiste apprend à l’accepter, sans toutefois réussir à mettre des mots dessus. Le succès, la renommée ou même la scène la placent au centre des regards. Comment expliquer qu’une personne qui n’ait pas confiance en elle puisse se retrouver à remplir des salles et faire des apparitions en festival ? BabySolo33, elle, ne se l’explique toujours pas : « Je n’explique pas comment quelqu’un qui n’a pas confiance en lui peut se retrouver sur une scène à faire des concerts. » 

Elle nous confiera peu après avoir eu « la chance » de s’en sortir en faisant de la musique : « Cette façon de faire de l’égotrip et de la musique est comme une psychanalyse. Je mets sur le papier, c’est mon journal intime et à la fin j’en fais des sons. C’est ce qui rend la chose difficile quand je fais écouter ma musique à des gens ».

« Mais pourquoi j’fais pas comme dans ma chambre
Quand j’suis sur scène
Tous les jours c’est la même histoire
Je me regarde dans le miroir
J’suis pas à l’aise avec moi-même
Donc il ne peut m’aimer
C’est le dilemme »

BabySolo33 –   NellyKelly

« J’ai l’impression de perdre ce pétillement »

Depuis que BabySolo33 a fait son entrée dans le monde des adultes, la monotonie et les responsabilités font partie de son quotidien. La princesse bordelaise ne peut plus être aussi rêveuse qu’avant : « Quand tu es petit, personne ne t’embête. Tu peux rester des heures à réfléchir, penser, créer, jouer, être dans ton imaginaire. Quand on devient adolescent, on sort, ce sont les premières vraies amitiés, amours, expériences. Tu es mal, puis après tu es bien… Il y a de l’insouciance que j’aimerais garder. Parfois, je voudrais ne pas savoir les choses. Tu grandis trop vite en prenant conscience. Mais c’est inévitable. » La fin de l’insouciance dont elle parle pourrait s’amplifier lorsque l’on voit nos parents faillir, pleurer face à des « problèmes d’adultes » et que nous sommes incapables de réagir. La première phrase du projet décrit cette blessure :

« Et je vois ma maman qui cry sans que je ne sache agir
Pas de potion magique
Non
Plus rien à redire
La maison faut qu’j’m’exile »

BabySolo33 – MiniSkirtJean

En en prenant conscience, elle explique que même ses références ont désormais un goût amer. Les Totally Spies, symbole de son trio avec ses meilleures copines, Buffy contre les Vampires, Yung Lean, Bladee, les teen-movies, tant d’éléments toujours présents et symboliques de BabySolo33 sont aujourd’hui assimilés à un temps passé : « Une fois que ton cerveau a emmagasiné quelque chose, ça reste. En revanche, même si ça fait partie de mon identité, ce sont des choses que j’écoute et regarde moins. […] On passe à autre chose. Par exemple, il y a quatre ans je disais à Margot et Lisa, mes Totally Spies, que si je devenais une star je leur achèterais une grande villa comme dans nos films préférés et on y vivrait ensemble. Avec le temps, je me suis rendue compte que si un jour j’y arrive et que je peux acheter cette villa, elles ne seront pas avec moi. Une page s’est tournée.»

Devenir adulte est frustrant. Cette perte d’innocence rend le monde « fade », malgré l’incroyable évolution artistique de la jeune bordelaise ces dernières années. À l’affiche des plus grands festivals cet été (Dour, Grünt Festival, Solidays), elle nous raconte pourtant avoir perdu quelque chose : « J’aurais aimé que ça dure plus longtemps, retourner en enfance et faire tout pareil parce que c’était les meilleurs moments de ma vie. Maintenant, je commence à trouver tout ennuyant. Même s’il m’arrive de belles choses, je pense perdre ce pétillement enfantin. »

« Ce projet parle de ceux qui m’entourent. »

Tout pour le Whoop

Pourtant, BabySolo33 n’a jamais réellement été seule. Son « Whoop », en référence aux Totally Spies, a toujours été à ses côtés. Après avoir échangé un regard complice avec Margot, elle nous explique : « J’ai toujours été bien entourée de mes meilleures amies qui ont été là pour moi par tous les moyens, depuis toute petite. C’est pour ça que je n’ai pas la peur du succès, du changement de perception des autres. Entre nous, ça a toujours été comme ça.»

En réalité, SadBaby Confessions n’est pas qu’une introspection. C’est une dédicace à ses proches à qui elle rend hommage. Pas étonnant que le seul morceau en featuring, avec Floki et le Chamal, soit un produit 100% bordelais. « 33Story » est une collaboration naturelle et instinctive. Du point de vue de chaque artiste, le morceau dépeint l’ennui et l’envie d’ailleurs. Cette performance narrative et musicale se marie parfaitement avec l’ensemble du projet.  « Je trouvais qu’il y avait, dans la façon dont Floki et le Chamal racontent des histoires, un côté narratif et cinématographique. Dans leurs sons, j’arrive à me rendre compte de ce qu’ils disent et à me le réapproprier.»

Crédits : @lilian.hrdn

À ses côtés dans sa musique comme dans la vie, BabySolo33 multiplie les dédicaces à ses copines sur des morceaux comme « BFF<3 » ou « Tout pour le Whoop »« Ce projet parle toujours de ceux qui m’entourent. Mais j’y pense quand je suis toute seule chez moi. Ce sont des souvenirs, des faits relatés.»

Dans ce morceau, l’artiste aborde aussi ses constats et son rapport au fait de devenir une femme parfois peu évidente : « Cette musique permet de se rendre compte qu’être une fille c’est être une guerrière. Quand je dis « je me lève je vois le blood » et que tu te réveilles un matin, que tu saignes, c’est glauque, c’est chiant. On n’en parle pas assez de ce moment mais on est des guerrières. Dire « j’ai plus peur d’être seule, j’ai plus peur d’être une fille, me permet de me sentir invincible. »

BabySolo33 affirme ses choix artistiques et reste fidèle à ses débuts. Avec SadBaby Confessions, l’artiste s’ouvre davantage à son public, en lui partageant ses réflexions les plus intimes. À la fois princesse et ange déchu, vampire et petite fée, elle délivre un message simple mais essentiel : « Nos rêves d’enfant, on peut tous les réaliser. Il faut le faire en acceptant la dualité de la vie car tout coexiste. Ce sont des moods, des étapes de vie, comme dans les films lorsque tu vois grandir une personne. Je ne vois pas pourquoi je devrais me cantonner à être une seule personne ou émotion, alors que c’est tout ça qui me constitue. » 

En attendant la suite, BabySolo33 vous invite le 1er décembre au Point Ephémère à Paris pour votre première boum… qui affiche déjà complet. 

Alissa Polonskaya

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