Chanceko, 6LACK, Luidji, Giveon : nos 15 "mini-projets" préférés en 2020

Chanceko, 6LACK, Luidji, Giveon : nos 15 « mini-projets » préférés en 2020

Avec l’accumulation des sorties du vendredi, il est devenu de plus en plus difficile d’écouter des albums studio composés de 15 titres minimum qui s’écoulent sur 45 minutes voire plus d’une heure. Le contexte de la crise sanitaire a engendré des difficultés supplémentaires dans le cadre de l’élaboration d’un nouvel album studio, permettant l’émergence d’un nouveau format de projet court devenu omniprésent cette année. En effet, des projets courts, souvent des EP, de 10 titres maximum et dont la durée est souvent inférieure à 30 minutes, se multiplient massivement en 2020. 

Dans cette opération, tout le monde est gagnant. D’abord, les artistes et leurs équipes disposent de suffisamment de temps pour travailler sur un projet de 6 ou 7 tracks, sans forcément y consacrer une grande promo et un budget conséquent. Tandis que les auditeurs reçoivent des EP courts qu’ils pourront écouter d’une traite bien plus d’une fois et apprendre à l’apprécier davantage. Aujourd’hui, focus sur les 15 mini-projets qu’on a préféré en 2020. 

Première Fois – Jäde (7 morceaux – 19 minutes)

Jäde est issue de la scène SoundCloud. Pour son premier EP distribué sur les plateformes, elle se dévoile à travers 7 titres aux influences multiples. Trap, RnB, pop ou variété : l’artiste ne se pose aucune limite et tend à explorer toutes les musicalités qui lui correspondent.  L’esthétique de Première Fois est singulière, et témoigne ainsi d’une polyvalence artistique maîtrisée. Un bain de romantisme et de volupté qui marque sa volonté de s’imposer en tant qu’artiste, d’imposer davantage son univers, et de dévoiler son vrai visage. La suite est très prometteuse.

Fuck the World – Brent Faiyaz (10 morceaux – 26 minutes)

Troisième EP de Brent Faiyaz, Fuck The World reste un projet court malgré 10 morceaux RnB d’une douceur très lisse. Dans ce projet, le crooner du Maryland dépeint un monde où le sexe est un jeu et où rien n’a de conséquences. Artiste au cœur de pierre, froid et insensible, Brent Faiyaz est ici au meilleur de sa forme. Trois ans après Sonder Son, Brent Faiyaz continue de cultiver un style RnB introspectif et riche en nuances. 

VIDE – MadeinParis (10 morceaux – 26 minutes)

Originaire des Antilles néerlandaises et façonné par le rap US, MadeinParis est un ovni. Sa force réside dans la mélodie plus que dans l’écriture. Et pour cause, sa langue natale est l’anglais : il a commencé la musique en anglais avant de comprendre l’impact qu’il pouvait avoir s’il interprétait ses textes en français. Dave est polyvalent et maîtrise toutes les ressources nécessaires à la construction de son univers musical. Ses multiples casquettes d’ingénieur son, de réalisateur de clips, de monteur, graphiste ou photographe, en plus de celles d’auteur et d’interprète, lui permettent alors de conserver une indépendance. Et surtout, il a le contrôle de son identité visuelle qu’il juge tout aussi importante que sa musique. C’est d’ailleurs dans sa chambre que VIDE a été construit. Représentatif de sa palette musicale, le projet fait suite à Dopamine Effect.

Teinté d’égotrip, l’artiste glisse sur les prods de Finzy, Ray de Prince, Draco dans ta Face, 99, Savage et D1gri, et aborde des thèmes comme le sexe, l’argent, et l’amour. « J’laisse personne m’empêcher d’atteindre le sommet » pourrait résumer ce projet. Le rookie a mesuré son potentiel, et il tend à l’exploiter de plus en plus. Ce n’est que le début pour MadeinParis. Il est encore temps de monter dans le wagon avant la sortie de Quel beau jour pour mourir, son prochain projet qui devrait arriver dans les mois à venir. 

The Light Pack – Joey Bada$$ (3 morceaux – 8 minutes)

Après une pause solo de 3 ans et son dernier projet All-Amerikkkan Badass, Joey Bada$$ marquait enfin son retour tant attendu avec The Light Pack, un mini EP de 3 titres et comme unique guest Pusha-T. L’album est rempli de spiritisme et engagé. Les revendications politico-sociales sont nombreuses, à l’image du racisme présent aux Etats-Unis. La cover évoquant la Regla de Ocha est une preuve de sa quête de spiritualité, qu’on retrouve aussi dans le clip poignant de « The Light ». Celui qui sortait la fabuleuse mixtape 1999 à l’âge de 17 ans a gagné aujourd’hui en maturité avec ce projet, sans doute un prélude d’un troisième album studio très attendu.  

TUNNEL VISION PRELUDE – Slimka (9 morceaux – 27 minutes)

En 2020, Slimka ne cesse de travailler sa rapidité. L’homme le plus rapide de Suisse a ainsi passé la troisième avec son projet TUNNEL VISION PRELUDE. Une vitesse supplémentaire qui lui permet de modéliser sa vision en tunnel pour éviter tout ce qui est nuisible et tracer une ligne droite à sa destinée. Comme il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, Slimka nous propose 9 titres en guise de prélude de son futur album avec entre autres Isha, Di-Meh et Caballero & JeanJass en featuring. Son identité se précise enfin et sa rapidité a été travaillée avec réussite. Slimka est désormais prêt à atteindre l’XTRM vitesse nécessaire à ses ambitions artistiques. 

6pc Hot EP – 6LACK (6 morceaux – 19 minutes)

6LACK joue sur une tradition de sa ville natale en baptisant cet EP du nom d’un combo couramment commandé : 6-piece hot wings. Le natif d’Atlanta fait monter la sauce en attendant son troisième album studio avec ce mini-projet de 6 titres. 6pc Hot EP est un retour introspectif aux sources dans son fief d’Atlanta, montrant le plaisir que 6LACK peut avoir lorsqu’il perd cette aigreur. 6LACK sonne plus subtil et assuré que jamais. Ces six chansons se délectent alors moins et s’épanouissent plus. Le grand talent de 6LACK est de savoir quand il faut en faire un peu moins. Et sur 6pc Hot EP, c’est sublime. 

Le tournesol – Khali (4 morceaux – 9 minutes)

Venu de Bordeaux, Khali est un artiste à suivre de très près. Et la sortie surprise de son dernier EP Le tournesol l’a confirmé. Sa plus grande force réside dans sa voix atypique. Elle lui permet de jouer avec la mélodie tout en maîtrisant sa propre identité musicale qui se veut expérimentale par l’innovation des sonorités explorées, que l’on n’associe pas forcément au rap initialement. Khali vise juste, tant sa mélancolie rend sa musique brillante. Sur « Anéantie », il dépeint ses regrets avec nostalgie et sensibilité sur une production qui porte ses maux avec légèreté. Le tournesol, qui fait suite à Palmer Wild Story sorti en 2019 contribue à le placer sur la carte des artistes à suivre de cette nouvelle génération. Streamez. 

Alfredo – Freddie Gibbs & The Alchemist (10 morceaux – 35 minutes)

Avec ces 10 titres, Alfredo possède pile les critères pour intégrer notre liste. Freddie Gibbs propose des albums toujours pertinents qui se révèlent être de véritables pépites, de purs concentrés de coolitude hip-hop. Cette année, il fait équipe avec le légendaire producteur The Alchemist pour l’album Alfredo, en compagnie des guests Tyler The Creator, Rick Ross sans oublier ses fidèles amis de Griselda Records, Conway et Benny The Butcher. L’album, rempli de samples soul jazz des années 70’, est concis mais riche en sonorités diverses et terriblement accrocheur. La science du collage de The Alchemist associé au flow ravageur de Freddie Gibbs nous amène à un album quasi parfait.

Lotus – SONBEST (7 morceaux – 20 minutes)

Deux ans après la sortie de Immersion, le pur produit de Colmar dévoile son deuxième EP, Lotus. SONBEST se montre sous un nouveau visage : sombre, fascinant, mélancolique et novateur. SONBEST délivre un 7 titres extrêmement bien élaboré dans la construction de l’univers. Le lotus est la fleur de l’espoir, elle pousse dans les marécages mais pourtant, elle symbolise la pureté et l’élégance. Avec cette symbolique, il tend à prouver que, peu importe le milieu et l’environnement dont on est issu, rien ne nous empêche de s’en émanciper. C’est le fil conducteur de l’EP, qui nous plonge dans de sombres fonds aquatiques notamment grâce aux productions.

La sensibilité de Lotus est grandiose. Elle nous absorbe dans une mélancolie langoureuse avec « Agonie », dans un cynisme profond avec « XO », et nous teinte d’amertume dans « Poison ». SONBEST est versatile, et il ne se pose aucune limite dans ce qu’il entreprend, mentalité qui l’emmènera très loin. 

FUCK*NEXT – Azur (6 morceaux – 16 minutes)

On a pu compter sur l’un des plus gros talents de la scène underground en juin dernier, à l’occasion de la sortie de son premier projet solo, FUCK*NEXT. Après s’être séparé de Lyonzon et Saturn Citizen, Azur a pris un nouveau virage musical caractérisé par la sortie de cet EP qu’il qualifie de mise en bouche. Sa proposition artistique est renouvelée, les thèmes abordés et les sonorités évoluent. Toujours attaché à l’ADN SoundCloud, le flow d’Azur est sombre et peut parfois être difficile d’accès. Mais son univers est bien implanté. L’utilisation de sa voix saccadée sur des productions obscures renforce le sentiment mélancolique lié à son introspection. Ces 6 morceaux traitent de ses déceptions, de sa solitude et de sa volonté de réussir sans l’aide de quiconque. Quoi qu’il arrive, Azur est déterminé.

When It’s All Said And Done – Giveon (4 morceaux – 11 minutes)

Après avoir été révélé sur « Chicago Freestyle » avec Drake, Giveon a fait de la musique son terrain de jeu. Quelques mois après la sortie de son premier projet Take Time, Giveon est revenu avec un tout nouvel EP où il poursuit le thème du chagrin et de l’amour. Là où Take Time présentait un cordial mélange d’émotions et de belles histoires douloureuses, When It’s All Said and Done s’écarte de ces thèmes récurrents.

Cette fois-ci, l’amoureux est toujours là. Toutefois, ces mots, glissant sur des sonorités atmosphériques et des guitares rêveuses, montre un amant blessé n’ayant pas encore conscience de la fin de sa relation. 4 titres, dont un featuring avec la brillante Snoh Aalegra, c’est vraiment tout ce dont nous avons besoin comme entrée avant de pouvoir savourer le plat principal, son premier album studio. Il n’est pas nécessaire d’être un génie pour comprendre qu’il faudra compter sur lui sur le long terme.

Kolaf – La Fève & Kosei (9 morceaux – 22 minutes)

Kolaf est le fruit d’une collaboration entre la voix de La Fève et les prods de Kosei. Dans un monde sombre et cynique, les deux démons dessinent l’ambiance d’un bal funeste presque cauchemardesque. L’univers du projet est maîtrisé de la première jusqu’à la dernière track. Le choix d’inviter Khali comme unique guest est plus que logique tant les propositions artistiques de ces 3 artistes se croisent. Kolaf est un voyage de 22 minutes, où les travaux précis du jeune chimiste Kosei transportent le flow de La Fève entre lumière et obscurité. La relève dont le rap avait besoin.

Boscolo Exedra – Luidji (5 morceaux – 16 minutes) 

Est-ce que tu connais le Boscolo ? Après son incroyable premier album Tristesse Business, Luidji a fait son retour avec un voyage de 5 morceaux. Le rappeur de 28 ans nous transporte au coeur des tourmentes d’un amour d’été. Cap sur la Côte d’Azur, et plus précisément Nice, où Luidji dessine les circonstances d’une relation amoureuse compliquée, vécue entre les murs de l’hôtel Boscolo Exedra. Désormais fameux hôtel, qui aura été au cœur d’une histoire courte mais marquante, et à la source d’un EP qui dépeint les sentiments véhiculés en 5 temps par un Luidji sincère, intime et tourmenté. La construction suit un véritable fil conducteur, où le storytelling marque chaque évolution de cette relation, entre le avant, le pendant, et l’après.

Emori – Eli Sostre (12 morceaux – 31 minutes)

Pour son troisième album, le jeune prodige Eli Sostre a fait son retour avec Emori. On dépasse le format 10 titres mais la durée du projet reste assez courte. Avec son collègue beatmaker new-yorkais SORIANO, cet album montre une fois de plus la patte d’Eli Sostre influencée par le RnB combiné au rap. Le projet est rempli de morceaux contagieux nous aidant à passer ce blues automnal et pour lesquels Eli Sostre est connu. Les fans l’appellent déjà son meilleur album à ce jour – et ils ont absolument raison. On sait exactement ce qu’on peut obtenir du prince de Brooklyn et il est plus cohérent que jamais. Malgré un manque de reconnaissance outre-Atlantique, Eli Sostre reste l’un des artistes underground les plus talentueux dans le RnB.

Gaura – Chanceko (4 morceaux – 13 minutes)

Après avoir mis tout le monde d’accord avec Bad Luv cet été, le retour de Chanceko était plus qu’attendu. Malaboy et des snippets sur Twitter ont fait grimper la hype avant la sortie de son EP, Gaura, le 30 octobre dernier. Le Gaura est une fleur qui éclot en automne. Elle est composée de 4 pétales, tout comme cet EP de 4 titres, qui a permis à Chanceko de s’affirmer et d’assumer plusieurs facettes musicales. Le rappeur, producteur, topliner et compositeur se distingue par sa voix, sa rythmique et ses influences hybrides. Coloré et entêtant, Gaura est marquant grâce à une ambiance globale chaleureuse. Les mélodies restent en tête dès la première écoute, même lorsque l’artiste se dévoile davantage, comme sur Arc en ciel.

Côté featuring, la prestation de Take a Mic sur Jacquemus prouve que chaque collaboration entre les deux amis est efficace. Sur Gaura, Chanceko se dévoile sous un visage ambitieux. Avec ce nouvel équilibre artistique, le potentiel grandissant n’est plus à prouver. Il a une place à prendre, et son heure de gloire a sonné. 

Pour aller plus loin, découvrez le rap d’outre-mer et les futurs talents à suivre.

Théo Vigezzi

Si je devais résumer ma vie en un album, ce serait My Beautiful Dark Twisted Fantasy.