Mata, Lesnah, Lyrrix, Evil P : voici 4 rappeurs d’outre-mer à suivre

La scène rap antillo-guyanaise a malheureusement longtemps (voire toujours) été dénigrée en France. Hormis quelques références dans des morceaux de rappeurs métropolitains ou quelques phases en créole dans un single, aucun artiste originaire des territoires d’outre-mer n’a réussi à se faire une place dans l’industrie.

L’une des raisons de ce retard serait d’abord la différence culturelle entre les DOM et la France, les premiers baignants dans une vibe bien plus centrée vers le dancehall et le reggae. Un autre facteur est le fait que les rappeurs d’outre-mer ainsi que leur public n’aient pas encore réussi à faire leur transition vers les plateformes de streaming : « aujourd’hui nous sommes dans l’ère du stream. Au niveau des Antilles-Guyane, ça reste un problème car les gens au pays n’ont pas encore été habitués à payer un abonnement pour écouter de la musique. On l’a tous fait un jour, télécharger de la musique via YouTube ou pirater des albums. Mais c’est important aujourd’hui de comprendre que les streams sont plus importants que les vues YouTubes. Si nous voulons supporter nos artistes, il faut commencer à streamer.” nous confesse le producteur Guyanais F-Side (ayant travaillé avec Meryl, Kalash et Konshens).

La tendance pourrait cependant bien changer dans les années à suivre. L’explosion de Meryl avec son premier projet Jour avant caviar grâce à la promotion lors de son Planète Rap, a permis de faire connaître moultes artistes créoles aux français. Ces derniers tendent de plus en plus l’oreille pour retrouver ces sonorités exotiques, à l’heure où les morceaux de rap mainstream de l’hexagone semblent s’uniformiser.

Nous avons donc sélectionné 4 rappeurs de Guadeloupe, Guyane et Martinique que nous vous conseillons chaudement susceptibles de sauter les frontières d’outre-mer et faire parler d’eux dans les années à venir.

Mata 

Originaire du quartier de l’assainissement à Pointe-à-Pitre, Mata est un jeune rappeur de 19 ans qui s’est lancé dans la musique depuis 2018. Après avoir poursuivi sa première passion qu’est le football en France, il revient ensuite en Guadeloupe et se lance dans le rap avec une série de freestyles nommée « Sous-estimé » qu’il publie de novembre 2018 à mars 2019. Très orienté trap, ils permettent au jeune antillais de se faire un nom dans la scène locale avant la sortie de son premier hit : « Bonita ». S’en suit son premier EP Surfaces qui le cimentera comme freshman à suivre.

La consécration vient toutefois le 13 février dernier lors du planète rap de Meryl où il est invité. Il balance un freestyle drill qui deviendra son plus gros hit : « Business rentable ». Son passage devient viral aux Antilles et cumule plus de 500 000 vues sur Youtube, le propulsant en tant que porte-étendard de la drill guadeloupéenne. 

En août, il sort sa première mixtape Matador dans lequel il mélange trap, drill, dancehall, boom bap et sonorités latines. Le projet invite aussi en featuring le rappeur guyanais Jahsik ainsi que le martiniquais Tiitof, preuve d’une grande complicité entre les différentes régions de la caraïbe. 

Lesnah

Considéré comme l’un des vétérans de la scène guyanaise, Lesnah prend le chemin le plus lent mais qui récompense davantage. Il enregistre ses premiers morceaux dès l’âge de 11 ans et son talent précoce le fera remarquer par le collectif Bourg Faya de Kourou. Paroles conscientes, flow en avance sur son temps et habilité à poser sur toutes les instrus possibles, sa polyvalence lui permet de se faire un nom rapidement en Guyane, malgré ses nombreuses pauses à cause de ses études. Produit par Cash Money AP, le morceau « NKFSNL » démontre son talent brut dès les débuts de sa carrière. 

Là où des artistes guyanais ont réussi à se faire un nom en métropole en chantant en français (comme Fanny J), Lesnah préfère assumer son patrimoine et kick en créole sur la plupart de ses morceaux. En 2015, la sortie de son nouveau clip « Nou ofon » fait néanmoins controverse : armes, cocaïne, paroles crues, cette explicité de la réalité des quartiers guyanais le fera se faire refuser des récompenses et lui fermera de nombreuses portes.

Mais c’est contre toute attente qu’il fait son comeback sur le devant de la scène avec son morceau « Dream ». Plus mélodique, il lui permet de gagner la récompense de la meilleure découverte urbaines à la cérémonie des Lindors. Un an plus tard, il sort sa mixtape Karma, un condensé de prods trap et dancehall qui connaitra un succès local.

C’est plus récemment que le rappeur guyanais se penche sur la drill suite à son essor international. Il trempe ses pieds dans le genre sur « ZOO » où il apparaît en featuring avant de sortir son « OG Freestyle » plus tôt dans le mois. Lesnah commence à se faire remarquer en métropole et, qu’on le veuille ou non, il compte bien faire parler de lui.

Lyrrix

La Guadeloupe a été la région la plus avancée sur la trap. Interrogé à ce sujet, le producteur Wallas nous dévoile : « pour moi, ils ont une longueur d’avance sur nous en général dans la musique. Ça se voit dans les chiffres et dans tous les domaines. »

Cette longueur d’avance est parfaitement incarnée par Lyrrix. Habitant du quartier de Bergevin (aussi appelé La Berge), il étonne depuis plus de 10 ans par ses flows rapides et son aisance sur les prods old-school et les beats plus modernes. Il atteint rapidement le million de vues sur Youtube grâce à son feat avec Nicy sur le morceau « Sans fouté » qui lui permet de se faire un nom. S’enchaînent plusieurs mixtapes avec le crew de son quartier qui rencontrent un assez grand succès pour l’époque avant la sortie de son projet Drug Dealer Mixtape Vol.1, solidifiant ainsi son nom dans le game. 

Sa consécration en tant que trappeur se fera par la rencontre avec un autre rappeur guadeloupéen : Pon2Mike (connu en France pour son hit « Yah » avec Cheu-B). Comparables aux Migos pendant la détention d’Offset, les deux antillais créent hit sur hit avec les tracks : « Zèb la i fô », « Au réveil », « Pactole », « Investir » en featuring avec 13 Block (et oui) et « Monde an mwen ».

Après un marathon de cette ampleur, Lyrrix se couronne roi de la trap antillaise avec sa mixtape Trap Life sortie en 2018. Composée de 14 titres dont 8 featurings, elle lui permet de montrer le potentiel du rap créole aux Antilles mais aussi en métropole grâce aux présences de XVBarbar et Mafia Spartiate sur « La blanche » et « Méli Mélo ».

Après une courte pause, Lyrrix semble de retour plus fort que jamais avec son « Freestyle Drill Vol.1 » qui semble annoncer la préparation d’un nouveau projet.

Evil P

La Martinique a été mise sous les feux des projecteurs cette année grâce aux albums de Meryl et Tiitof, dont la promotion aura fait parler d’eux partout en France, jusqu’aux studios de BFMTV. Mais l’une des plus grandes influences de cette région reste encore assez méconnue. Ton grave, lyrics violentes et imagées, Evil Pichon alias Evil P rappe pourtant depuis plus de dix ans.

Inspiré par la scène dancehall jamaïcaine (et plus particulièrement Vybz Kartel et Aidonia) et la trap d’Atlanta (Brick Squad, Gucci Mane), il note l’absence de certaines sonorités aux Antilles et décide de commencer à rapper à l’âge de 18 ans. Il écrit plusieurs sons mais sa carrière est prise de court en 2012 suite à son incarcération.

Derrière les barreaux, il peaufine son art et, dès sa sortie, se replonge dans le bain avec des apparitions sur les projets d’autres artistes martiniquais comme Shaka Zulu et plus récemment Tiitof sur le morceau « Ki mannyé ». Mais Evil P parvient à prouver son talent en solo avec son dernier banger « DIX », dont sa première interprétation lors du planète rap de Meryl a permis de faire connaître son nom bien au-delà des frontières du 972. 

Il y a évidemment bien plus de talents aux Antilles-Guyane que les quatre mentionnés plus haut dans cet article, mais à défaut de pouvoir tous les citer ici, nous avons réalisé une playlist spéciale 971-972-973 compilant nos artistes favoris. On a hâte d’entendre vos retours, ‘plita !

Pour aller plus loin, plongez dans l’univers de La Fève, auteur de l’un des meilleurs projets communs avec Kosei.

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