La rentrée musicale n’en est qu’à ses balbutiements, mais la sortie du nouvel album de Sopico promet déjà d’être une date à retenir pour les amateurs de rap en tout genre. Nuages décloisonne les limites entre rap français et musique contemporaine grâce à dix titres portés magistralement par le dialogue « Guitare-Voix » propre à son interprète.
Pour l’occasion, il était nécessaire de s’interroger ensemble sur les ramifications de ce projet, ses origines, ou encore sur le regard posé par Sopico sur la façon d’être un artiste en 2021. Et quoi de mieux pour cela que de s’entretenir avec son auteur entre deux albums à dédicacer. Une conversation importante pour l’interprète de « Slide », afin de permettre à son public « de connaître l’état d’esprit » dans lequel il a construit cet album, et de « retracer ainsi la chronologie passé-présent-future » de sa musique.
Décollage avec la 75e Session
Artiste complet ayant pu amorcer son art au sein de la 75e Session, collectif important du rap français, Sopico a toujours promu l’importance d’une démarche musicale de groupe. Il nous l’explique de lui-même, en montrant au cœur de son cheminement personnel, l’intérêt d’avoir pu compter sur la force de ce collectif : « Avec la 75e, on s’est mis dans une optique de se développer et de se monter en équipe. On a beaucoup appris les uns des autres pour y arriver dans la musique, notamment à s’écouter, à gratter, à recueillir les avis des gens qui nous sont proches. »
Le groupe de passionnés a compté en son sein de nombreuses voix du rap français telles que Hash 24, M Le Maudit, ou encore Zinée, permettant à Sopico de bénéficier de quatre années de travail intense pour accéder à sa propre liberté artistique. Une équipe agissant dans l’ombre, créant ainsi « une énergie de tout un groupe, qui se développe en poussant les uns et les autres vers l’avant ». Une belle définition de la solidarité en somme, dont notre interlocuteur a cependant décidé de s’éloigner il y a près de deux ans.
A travers un parcours riche, Sopico a su déployer ses propres ailes pour insuffler depuis son Colors de 2017 un nouveau souffle sur la scène francophone. Une originalité qu’il résume assez facilement : « C’était le moment avec Nuages d’amener mon identité à la fois de musicien et de rappeur, de façon très minimaliste. » Grâce à ce projet, l’originaire du 18e arrondissement nous entraîne dans une longue conversation qui fera écho différemment en chacun d’entre nous.
Avec Nuages, Sopico prend son envol en solitaire
« Le plus important dans ma musique est qu’elle procure des émotions, que ce soit à la première écoute ou des années après ». Voici une preuve supplémentaire de l’importance donnée aux émotions par l’artiste, grâce à des morceaux comme « Tout va bien » ou « Hier », deux portes d’entrées touchantes dans l’écriture de Sopico. Ce 15 octobre s’annonçait alors bien doux, au terme d’une année marquée par l’incertitude et la cristallisation des tensions sociales. L’album offre ainsi un réconfort nécessaire. Avec Nuages, Sofiane de son vrai nom nous permet d’explorer « toutes les couleurs et toutes les températures d’émotions que l’on peut vivre ».
Néanmoins, l’intérêt de se prêter au jeu de l’interview avec Sopico réside dans sa curiosité. Sa vision tout terrain l’amène également à prendre position sur un large panel d’enjeux sociaux. Aujourd’hui, un artiste moderne peut avoir un avis sur tout et doit également être encouragé à le donner.
Quand j’aborde la question des violences faites aux femmes, Sopico soutient que « la libération de la parole fait qu’il y ait des vrais débats, permettant de dénoncer les actions problématiques de certains, en espérant qu’on puisse réapprendre à se respecter les uns les autres ». Acteur plutôt que spectateur sur la question, il n’a pas hésité à prendre position sur ces réseaux sociaux, notamment sur le cas Yuzmv. L’artiste parisien a dénoncé le comportement de prédateur de cet artiste et rejette une « vision archaïque des femmes ayant crée beaucoup de dégâts ».
Sur la complémentarité entre l’art et le social, Sopico réagit aussitôt en parlant de ce qu’il observe dans son quotidien, notamment dans le 18e : « Entre les artistes, les partenaires sociaux et les gens en situation de précarité, on a l’impression que cela ne fonctionne pas. Mais c’est faux, tout cela se passe dans l’ombre. » Une manière de ramener l’art à son utilité sociale, bien loin des dérives du star system.
Avouant sans complexe ne pas aborder les questions politiques en vue de l’année 2022, l’artiste n’est pas dupe. Il faudra écouter bien plus d’une fois Nuages pour parvenir à en sortir indemne.