« J’démarre et j’pars en vitesse ». Cette phrase issue du morceau « Wes Anderson » résume parfaitement le début d’année 2020 de Slimka. En septembre dernier, on publiait un article sur la place croissante du rap helvétique au sein de la scène française. Et aujourd’hui, au sein de son écurie Colors Records, l’homme le plus rapide de Suisse passe la troisième avec son projet « Tunnel Vision Prelude ». En attendant l’arrivée de son prochain album, Cass’ compte dépasser le mur du son, afin de s’insérer durablement dans le paysage du rap francophone.
Comprendre totalement le propos du Genevois est presque impossible, mais cela ne sera pas un frein à l’amour que nous lui porterons. Car Slimka nous entraîne dans sa vitesse. Dans son flow et ses paroles, le XTRM Boy va plus vite. Bien qu’il ait pu s’échauffer à travers quelques collaborations comme « Hit a lick » avec Di-Meh en 2016, sa véritable entrée en jeu se fait avec « No Bad, Vol. 1 ». Libre, psychédélique, le projet représente parfaitement sa vision de la vie : pas de moments de bad, que du positivisme. Il est no bad jusqu’au sang, et sa philosophie se retrouve logiquement dans les nombreux bangers que nous envoie l’artiste. Rien que sur son premier album, c’est une véritable tempête que nous fait subir Slimka. À peine le temps de se remettre de « Desperados » qu’il faut enchaîner avec « Piou Piou ». On vous l’a dit, il va très très vite.
On pourrait croire que Slimka confond vitesse avec précipitation, mais le rappeur de bientôt 26 ans foisonne d’idée. Art abstrait, jazz, funk : c’est ainsi que se présente le deuxième volume « No Bad, Vol. 2 ». Déjà là, sa capacité à innover se fait sentir et Slimka parvient à forger son propre style. L’artiste est toujours aussi rapide grâce à ses bangers remplis d’énergie comme « George de la Dew ». Il sait aussi nous étonner et rester inintelligible tout en étant passionnant. Le Genevois nous surprend sur des titres aux ambiances diverses et à l’énergie spécifique comme « Fantasia », « Death’s Angel ». Le bonhomme nous transmet sa science de l’incohérence et du non-style et glorifie les moments intenses de l’EP. Résultat? Un patchwork jamais indigeste, taillé sur mesure pour un artiste aussi fantaisiste et imprévisible que Slimka.
Une ligne de conduite self-made et fantaisiste
Slimka est autant un prêtre à la sagesse satirisée qu’un démon du turn-up. Cela n’a pas de sens pour nous. On est frappé par sa facilité déconcertante avec laquelle son flow glisse sur tout type de prods. De nos jours, c’est rare sur la scène francophone. Chez lui, tout est sur-mesure, rien n’est copié. Certes, on a pu sentir parfois l’influence d’un Tyler The Creator dans la variation des flows. Mais Slimka puise son inspiration dans son passé. Ayant tenté une expérience dans le mannequinat auparavant, Cassim Sall semble renouveler cette expérience à travers la musique. Son égocentrisme lui permet de se mettre en avant de façon téméraire et avant-gardiste. Mais comme beaucoup de rappeurs, c’est aussi un mordu de cinéma. Jetez simplement un œil à sa discographie pour en attester : « Fast & Furious », « Wes Anderson »… Les dénotations se multiplient.
Alors que d’autres artistes ont des difficultés à traîner plusieurs alias, Cass’ est un peu à l’image du personnage de Kévin dans Split. Il s’avère que de nouvelles facettes apparaissent à chacun de ses projets. De l’instable « Domingo » au souriant « Kanté » en passant par ses alter ego « Georges de la Dew » et « Diego », Slimka cumule les personnalités avec une certaine aisance. Ainsi, il ne faut pas s’ébahir de voir le rappeur les mettre à l’oeuvre dans ses clips.
L’écurie SuperWakClique
Si tout est self made chez Slimka, il n’avance jamais sans sa famille mélomane, la SuperWakClique. Très attaché à l’esprit d’équipe, le Genevois est toujours accompagné de ses meilleurs co-pilotes. Parmi eux, une formation qui se trouve à la jonction des styles et des genres : XTRM Boyz. Avec Makala, Di-Meh et Varnish La Piscine, le rappeur entretient une véritable forteresse émotionnelle. Ensemble, ils affirment une stratégie créative de rupture évidente. Il n’enregistre jamais sans eux et leur présence renforce ses projets. Dans une interview pour l’Abcdr du Son, le trio détaillait le concept du groupe : « La base de notre groupe c’est la musique, mais il y a tout ce qui en découle. Di-Meh il fait du skate, et Makala c’est un sportif ! [Rires] […] On essaie de toucher à tout. Les uns se nourrissent des autres.«
Leur philosophie permet à chacun de s’affranchir des modes et des doutes. Ils font confiance à leur intuition, le style du non-style comme dit Makala. Toutefois, Slimka nous avait promis de donner de la couleur à ses prochains projets, à commencer par « Tunnel Vision Prelude ».
De 408 à 1224 km/h, Slimka a mis la troisième
Après avoir exposé toute sa palette musicale sur les No Bad, l’artiste de Genève souhaite maintenant prendre son temps et affiner son univers. Alors qu’il s’entraîne avec ses amis à travers le hashtag #EntraînementTV, Slimka débute l’année sur l’album de Tengo John et le morceau « 3.5.7 Python ». Tout s’accélère dans les jours et semaines qui suivent. Il continue de travailler en famille en sortant le morceau « bb meurs dans mes bras » en compagnie de ses collègues de la SuperWakclique Mairo, De Wolph et Daejmiy. L’annonce devrait vite arriver. Le compteur de vitesse qu’il affiche sur les réseaux sociaux ne cesse d’augmenter, on sent le rappeur prêt à activer l’XTRM vitesse.
C’est alors qu’il débarque en solo début mars avec le joyeux « Kanté », morceau qui ne sera pas sur le projet. Car oui, si sa présence s’intensifie, c’est bien pour cette raison. On le voit davantage sur plusieurs albums, notamment le dernier Varnish la Piscine, « Metronome Pole Dance Twist Amazone ». Les deux compères nous offrent ce qu’ils savent faire de mieux : un banger intense au titre significatif, « SHORT VISION ». Slimka va enclencher la troisième d’ici peu, on le sait.
Suite à des apparitions sur les projets respectifs de Twinsmatic, Freakey et de Caballero & JeanJass, Cassim enclenche le levier de vitesse. Il annonce l’arrivée d’un EP pour fin avril, « Tunnel Vision Prelude ». Le rappeur nous propose 9 tracks en guise de prélude de son futur album, initialement prévu au printemps mais repoussé à l’automne 2020. On y trouve des collaborations avec Di-Meh, Isha, JeanJass, Ike Ortiz et Daejmiy. Pas de Makala ou de Pink Flamengo, qu’on verra plutôt sur l’album, preuve de son émancipation.
Dans ce préambule, Slimka modélise sa vision en tunnel pour éviter tout ce qui lui est nuisible. Il veut aller vite et droit au but direction sa destinée. Sa patte artistique se fait sentir et son univers se dessine minutieusement. Sa capacité à varier les flows atteint son paroxysme sur le morceau « 24 K ». Il passe de l’autotune à des séquences rapides plus rappées avec une grande facilité, le tout sur une prod lunaire et profonde. La profondeur, c’est ainsi le point fort de ce projet. Slimka parvient à nous plonger dans les fonds de sa musique. Ce n’est pourtant « que » son tour de chauffe.
Son identité se précise enfin et sa rapidité a été travaillée avec réussite. Slimka est désormais prêt à atteindre l’XTRM vitesse nécessaire à ses ambitions artistiques. L’album, attendu pour l’automne prochain, sera alors l’occasion pour lui de s’envoler définitivement.