Sean ou l’art de faire de la musique de scène

Sean vient de sortir la première partie de « A moitié loup ». Le parisien continue de proposer des morceaux réussis et prometteurs. En constante progression, Sean n’est pas prêt de s’arrêter. Le jeune rappeur a tout pour devenir une tête d’affiche de cette musique.

Sean ou l'art mettre la musique en scène - 1863
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Une maturité précoce

Auteur d’un premier projet « Mercutio » sorti le 5 juillet dernier il avait permis aux auditeurs d’en savoir plus sur sa musique. Le 10 avril, il nous a offert la première partie de « A moitié loup ».

Perfectionniste, Sean dégage une maturité artistique importante à son âge. Peu productif, il prend son temps sur les morceaux avant de les offrir à son public. Le rookie cherche à maîtriser au maximum sa carrière pour ne pas la bâcler. Il a d’ailleurs supprimé de Youtube les morceaux qui ne lui plaisaient plus. Cette maîtrise se fait ressentir dans ses morceaux ainsi que dans ses clips et sa manière de communiquer. Ce qui amène à trouver peu de défauts objectifs au rap de Sean. Les morceaux sont bien produits et masterisés tandis que l’autotune est très maîtrisé. Ses visuels sont dignes des grosses productions et Sean y apporte une réelle singularité. Dans le clip du titre « À moitié loup », un journaliste lui pose une question « Et maintenant, vous êtes quoi ? »  Sean lui répond : « Je suis une star maintenant ». Il a une envie de réussir et il compte bien y arriver.  

Mercutio est mort, le lycanthrope est né

Sa musique est cinématographique et théâtrale. Il met en avant des personnages pour se protéger de soi-même et de ses sentiments. Sean ne cherche pas à en dévoiler davantage sur lui. Elio, de son vrai prénom, met plutôt en avant l’œuvre de Sean que de l’auteur en question. Il joue les rôles qu’il décrit dans ses clips, d’où l’aspect très visuel de sa musique.

La littérature théâtrale est prépondérante dans le rap de Sean. Cela amène à des projets bien structurés qui font vivre son œuvre littéraire. D’abord « Mercutio », personnage de « Roméo et Juliette », « Mercutio » au comportement lunatique, appartient ni à la maison de Roméo ni de Juliette. Ses émotions sont instables, passant du rire à la colère. Son appartenance à aucune famille lui permet d’avoir une certaine liberté. Le personnage de Shakespeare semble intéressé Sean qui s’y reconnaît sûrement dans son envie d’avoir une liberté artistique.

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Le 10 avril, le rappeur-dramaturge lève une partie du rideau de « À moitié loup« . Qui dit nouveau projet dit nouveau concept, et donc la mort du personnage « Mercutio« . « A moitié loup » met en avant un nouveau personnage, celui du Lycanthrope, d’où le titre de la mixtape. Personnage mystérieux et très présent dans la mythologie, il est rendu visible dans le clip du morceau éponyme pour promouvoir l’album. La vidéo prend la forme d’une pièce de théâtre découpée en trois actes : la canonisation, la convoitise et la diabolisation. Dans un univers mythologique et féerique, Sean propose encore une fois un visuel surprenant et singulier. C’était déjà le cas dans les clips précédents (« Prix à payer », « Mercutio » et « Mauvaise nouvelle »).

« J’suis sur la Lune, bientôt j’arrache tout, j’fais la une

Oh, j’ai pas sommeil, j’ai pas dormi d’la nuit

J’suis sur la Lune, bientôt j’arrache tout, j’fais la une

Oh, j’ai pas sommeil, j’ai pas dormi d’la nuit »

« A moitié loup », un format binaire et des voix multiples.

Lier le format au concept, Sean y accorde une grande importance. Pour symboliser la dualité entre l’Homme et l’animal, il découpe son projet en deux parties. Ce qui est intéressant car d’abord, dans un format court (6 morceaux) le projet n’est pas rendu indigeste. Il faut être patient. Petit à petit, on en apprend davantage sur l’œuvre mélancolique de Sean. Cet univers romanesque pourrait obliger l’artiste à avoir un côté rétro dans sa musique, voir même ringard. Mais c’est tout le contraire. Les sonorités sont très modernes voire digitales. Envoûtant dans sa voix, il modernise la dramaturgie.

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Sean a une facilité déconcertante à faire des morceaux entêtants. Peu innovant dans les paroles et les instrumentales, c’est bien dans l’utilisation de sa voix qu’il tire son épingle du jeu. Au-delà des concepts et de la dualité entre l’Homme et l’animal, la maîtrise du vocodeur porte la première partie du projet. Sur chaque titre, Sean varie à plusieurs reprises ses timbres de voix. Souvent pour différencier le couplet du refrain, c’est aussi pour marquer le contraste entre plusieurs pistes, comme dans le refrain de « Prix à payer« . Même si cette patte digitale a tendance à diminuer, l’articulation de Sean se retrouve tout au long du projet, créant une atmosphère particulière et réussie. Dans le morceau « À moitié loup », des hurlements de loup accompagnent sa voix afin d’accentuer cette atmosphère et rappeler le concept de ce projet.

En attendant la deuxième partie du projet, voilà le pré-refrain de « Couleur » qui symbolise très bien la première partie. D’abord par cette voix digitale, ensuite par le champ lexical du Lycanthrope « la lune », puis pour finir par son envie de réussir : « bientôt j’arrache tout, j’fais la une ».

De Melvil Virgili

L'équipe 1863

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