Depuis toujours, le visuel se couple à la musique pour créer un ensemble cohérent. Des clips à la photographie, les artistes cherchent souvent à imposer une esthétique propre à leur musique. Le paysage rap francophone actuel est un bon exemple de ce mariage entre musique et esthétisme. Parmi tous ces nouveaux acteurs, c’est avec rad cartier que nous en avons discuté à l’occasion de la sortie de Vision Thermique. Avec son aide, on a tenté de décoder son univers pour comprendre notamment son rapport avec le visuel.
« C’est rad cartier, c’est ton jeune boy du cuatro cinco dans cette musique planante ». C’est en ces termes que l’artiste se présente à nous. En décembre dernier, il a dévoilé les huit titres composants Vision Thermique, son dernier opus en date. Mais avant d’être dans la musique, son chemin a fait un crochet par le monde de la mode. Le style est devenu omniprésent dans la musique et le rap n’y fait pas exception : « C’est important pour un artiste d’avoir des visuels ou un style similaire à son art, ça va bien ensemble » confirme l’intéressé. Ce passage a laissé des traces et facilite entre autres ses choix de tenues pour les tournages de clip ou les concerts : « Quand je pense à un clip, je pense directement aux vêtements. » Un élément qui n’est donc pas laissé au hasard et qui joue un rôle important dans le déploiement de son univers.
« C’est à ce moment que j’ai dit f*ck that shit«
Ne pouvant pas continuer ses études faute d’argent, le rappeur quitte Bordeaux pour Paris et se lance dans un nouveau secteur, celui de la musique. En parallèle de ses débuts musicaux, le néo-parisien enchaîne les petits boulots pour survivre. Son arrivée dans la capitale illustre clairement ses intentions : « On ne va pas se mentir, en France, c’est ici que tout se passe. Si tu veux vraiment porter un projet, Paris c’est un bon terrain de jeu ». Originaire d’Orléans, il a pu découvrir la capitale dès son plus jeune âge et en fait à nouveau son terrain de jeu.
Après quelques singles et des premiers clips en 2015, il sort un premier EP en 2017, Gr8. Directement, sa singularité musicale, encore brute à l’époque, se fait sentir. Pour la développer au mieux, il l’accompagne d’une empreinte visuelle impactante. Il décrit sa volonté par ces mots : « J’aime bien innover parce que je trouve qu’il y a beaucoup de choses qui se ressemblent. C’est important d’arriver avec des visuels qui marquent ton identité, pour que les gens s’en rappellent. »
« Au niveau de ma direction artistique, je bosse beaucoup avec des gars que je connais humainement, que j’ai rencontré il y a quatre ans quand je suis arrivé sur Paris. Ils me connaissent et savent où je veux aller. » S’est donc aidé par un entourage qui l’a vu évolué, que le jeune boy du 45 travaille son univers. Pour la réalisation, la volonté est de s’ouvrir à d’autres collaborations afin d’étendre ses connexions. Tout en gardant ce qui semble guider son art : le feeling. « Pour les réalisateurs, ça varie. Il y a des gens qui me contactent et on me propose aussi certaines personnes, mais je ne marche qu’au feeling. »
Les bases se posent avant de se solidifier
Les prémices de sa carrière lui permettent de poser sa recette sonore et visuelle, il ne reste plus qu’à la peaufiner et à trouver un public pour la propager. Pour se faire, il continue à livrer des singles avant de se lancer dans la série VT ZOOK qui aboutira sur un EP en 2020.
S’en suivra en 2021 la mixtape VT ZOOM, plus conséquente, qui reprend la série de morceaux éponymes ainsi que trois titres bonus. VT ZOOM devient alors sa vitrine auprès d’un public de plus en plus au fait de ce qu’il peut proposer. Ce qu’il approuve : « Ce projet est une bonne carte de visite. C’est la stratégie qu’on a bossée avec l’équipe : balancer des singles pour amortir le projet et agrandir la famille. Je tenais à sortir ce projet dans les bonnes conditions pour qu’il touche le plus de monde possible. Il fallait passer un cap, que les gens comprennent mon travail. »
Plusieurs clips ont accompagné cette sortie et depuis ses premiers visuels, ils ont bien évolué : « Déjà, on est plus nombreux à bosser. Au départ, on était que deux. Les VT ZOOM, il y a une partie clippée par Natas3000. J’aime bien ce qu’il fait et en plus, ça collait bien avec mon univers. Il a peaufiné l’identité visuelle de cette série de clips. A partir du « VT ZOOM V », on a travaillé avec TVO et l’équipe s’est encore plus agrandie. » Au sein de tout ça, le rappeur garde une place non-négligeable : « Je parle avec le réalisateur avant de tourner pour qu’on soit d’accord. Après, je le laisse faire mais je prends part au montage. »
Inspirations antagoniques mais complémentaires
Depuis ses débuts, sa patte visuelle réside entre réalisme et virtualité. Par exemple, on le voit mélanger des scènes du quotidien à des éléments graphiques plus digitaux. A travers cette vision, rad cartier cherche à faire un pont entre la réalité et un univers plus transcendant : « C’est un peu pour montrer l’envers du décor, comme dans Matrix. » appuie-t-il.
Une autre caractéristique récurrente dans ses clips est son amour pour les jeux de couleurs. Même dans un univers à dominante sombre, le rappeur arrive toujours à y glisser des touches colorées. Malgré un amour pour la couleur qu’il ne nie pas, il précise que « ce n’est pas forcément quelque chose auquel je pense, c’est assez instinctif. »
Vision Thermique, un premier aboutissement ?
Quintessence de ce qu’il a pu proposer par le passé, Vision Thermique est la preuve d’une évolution considérable dans l’univers de l’artiste. « Depuis 2018, on rajoute des effets thermiques sur les clips pour teaser le projet » nous délivre-t-il. Cette vision se consolide depuis un moment, prenant une forme aussi musicale que visuelle sur Vision Thermique. Par conséquent, il n’est pas étonnant d’apprendre que le projet a été pensé depuis trois ans : « Il y avait des tracks que je commençais à écrire et ensuite, je les mettais de côté. Entre-temps, je vivais des choses et c’est ça qui me débloquait pour finir les morceaux. » Au final, il en ressort huit titres correspondant avec les besoins actuels de l’artiste.
Faire rentrer un.e autre artiste dans cet univers devait se faire avec minutie. Une seule collaboration se retrouve sur Vision Thermique et l’élue n’est autre que la chanteuse Joanna. Une rencontre que rad cartier prend le temps de nous décrire : « Elle pensait que ça pouvait bien coller entre nous. J’ai été écouté ce qu’elle faisait et j’ai bien accroché. Par la suite, on s’est croisés et c’est comme ça qu’on a fini par bosser ensemble. Elle, comme moi, on est un peu sales et je trouvais que ça collait bien. On a aussi fait d’autres morceaux. »
« Je fais ça dans une démarche qualitative, d’originalité et d’innovation ». Voilà comment l’artiste décrit une vision qui l’accompagne depuis ses débuts. Une volonté d’originalité qui se complique à l’heure où la nouvelle génération regorge de propositions variées. A ce sujet, il ne perd pas en clairvoyance : « C’est un chemin difficile que tu prends quand tu fais quelque chose de différent et que tu veux y rester fidèle. Ça prend plus de temps que si tu faisais quelque chose que tout le monde propose. Ça dépend de ce que tu veux représenter. » Désormais, c’est sur scène qu’il compte représenter son univers. Encore au stade de travail et recherches, il ne cache pas son empressement pour monter sur scène.
Une progression continue
Progressivement, le natif d’Orléans a su construire son univers en y incorporant une multitude d’éléments qui lui ont apporté en singularité. En reprenant l’histoire à son début, on peut constater que le manque de moyens n’a pas bridé son esprit créatif. Ce dernier s’est même affiné au fil du temps, des rencontres et de l’expansion musicale de rad cartier, donnant le projet Vision Thermique, une belle synthèse de sa vision. Avant de poursuivre une carrière qui s’annonce haut en couleur.